Dans un article intitulé "Plastique recyclé: La France veut-elle tuer l'économie circulaire française?", nous faisions le constat d'une des conséquences possibles pour l'économie circulaire des plastiques en France de la diminution de la matière première à recycler. Nous constations la "contradiction entre d'un côté une volonté politique pour un accroissement de l'incorporation de matière recyclée dans différents produits et de l'autre, une diminution à venir de matière plastique recyclée à incorporer!"
Encore plus récemment, l'association Plastics Europe par la voix de Hervé Millet a indiqué dans le même sens "On souhaite recycler le plus possible et à des taux très élevés et, dans un horizon pas si lointain, il faut faire disparaître la ressource à traiter."
C'est un vrai paradoxe en effet. Le projet de Loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire n'a d'économie circulaire que le nom.
On voit très clairement une volonté de favoriser le réemploi et la réutilisation au détriment de l'usage unique. Si sur le papier l'idée est alléchante, aucune étude d'impact n'a été faite sur les conséquences en termes d'empreinte carbone, de gaspillage, d'hygiène et de santé, voire même de faisabilité par exemple.
Plastics Europe soulève également le fait que la France, en 2018, affiche un taux de recyclage des plastiques de 24,2 % (soit 8,3 points de moins que la moyenne européenne), un taux de valorisation énergétique de 43,3 % (la France se situe dans la moyenne), et un taux de mise en décharge de 32,5 % (7,6 points au-dessus de la moyenne européenne).
Le taux de recyclage des emballages plastiques (produits très attaqués dans le projet de Loi) n'atteint que 26 % soit 16 points en dessous de la moyenne européenne.
La collecte et le recyclage des emballages plastiques en France sont donc très en retards par rapport nos voisins (voir notamment ICI
un article de Plastalliance sur le sujet) et cela peut devenir problématique au regard des objectifs européens actuels et à venir en la matière.
Or, la baisse de produits recyclables et à recycler sur le marché va entraîner une conséquence arithmétique simple: La diminution de l'assiette globale d'emballages plastiques sur le marché. Si la même quantité de produits qui est aujourd'hui recyclée l'est également demain mais avec un marché de l’emballage plastique plus réduit dans ce dernier cas, le % d'emballages plastiques recyclés va mécaniquement augmenter..
Si on prend en compte l'extension des consignes de tri, la mise en place poubelles de tri dans l'espace public et un comportement des consommateurs qui devrait s’améliorer en terme de tri de déchets, le taux de recyclage des emballages plastiques ne devrait qu'augmenter. Il augmentera beaucoup plus vite dès lors que l'assiette globale sera réduite. Ce point ne relève pas de la théorie.
La question est de savoir si la diminution de mise sur le marché de certains emballages plastiques (comme les bouteilles) de la part du Gouvernement français est une volonté cachée de celui-ci d'augmenter semi-artificiellement les chiffres du recyclage des plastiques en France pour sortir le pays de la case des "mauvais élèves" en la matière (voir ICI
un article du Monde de 2018). Au vu de certaines mesures indiquées dans le projet de Loi, on peut être amené à le penser car on ne trouve pas d'explication rationnelle au paradoxe relevé plus haut. L'avenir nous le dira.
En attendant, de nombreuses entreprises du secteur (fabricants d'emballages, moulistes, fabricants de machines et tout l'écosystème qui gravite autour) s’inquiètent de voir leur carnet de commande se dégarnir de façon très significative, gèlent leurs investissements et leur programme de recrutement et s'inquiètent de leur avenir du fait du manque de visibilité positive généré par ces mesures. Est-ce que le Gouvernement a conscience des dégâts collatéraux sur l'économie circulaire et sur l'économie tout court de sa politique des derniers mois en la matière?