Sans rentrer dans le caractère bancal juridiquement du Décret en question au regard notamment du droit européen, il y a toute la problématique liée au fait qu'on présente cette mesure (suppression des emballages et conditionnements plastiques pour les fruits et légumes) comme écologique.
Le gaspillage alimentaire serait écologique?
Présenter la totalité des fruits en vrac ne diminue pas la part des déchets: Les clients devront prendre un sac kraft-papier (un extrait d'arbre mort en passant alors que la lutte contre la déforestation est devenu un principe directeur) pour récupérer les fruits et légumes. Ces derniers ne sont pas égaux en terme de durabilité et de protection dite naturelle. S'il est vrai qu'il y a eu un abus dans l'utilisation d'emballage plastique pour emballer individuellement un citron, une orange ou une seule banane, on ne peut décemment venir arguer que les producteurs de fruits et légumes ont souhaité emballer des fruits et légumes pour le plaisir de les emballer: L'emballage a toujours un coût et ce coût est à mettre en rapport avec la fonctionnalité même de l'emballage plastique alimentaire qui a pour but notamment d'augmenter la durée de vie du produit et de mieux le protéger.
Rappelons par exemple que le concombre étant composé de près de 96% d'eau et que cette eau se perd dès la récolte. Un film plastique d'emballage de 1,5 grammes augmente sa durée de vie de 14 jours (Packaging in perspective- Advisory Committee on packaging - 2008).
Dans un rapport établi conjointement par l'ADEME (qui dépend du Ministère de la Transition Ecologique) et du CNE (Conseil National de l'Emballage), il a été reporté que :
« Emballages permettant la respiration des produits par technologies de perforation
Lutte contre une dégradation rapide des fruits et légumes frais repose essentiellement sur le contrôle de leur respiration. On régule l’apport d’oxygène et l’évacuation du gaz carbonique issu de la respiration des produits par la microperforation des films d’emballage plastiques.
"
"Emballages à perméabilité sélective
L’amélioration de la conservation des fruits et légumes frais peut être réalisé par des emballages permettant une évacuation du CO2 et une entrée contrôlée d’O2. Cette sélectivité de transfert CO2/O2 peut être obtenue par l’association de différents matériaux (dépôts de polymères sur des supports poreux ou mélanges de polymères). Exemple 32 pour stocker et conserver les légumes dans des conditions optimales : Les brocolis sont désormais emballés dans des films plastiques à perméabilité sélective, perforés de micro-trous pour permettre les échanges gazeux.
Les endives sont emballées dans un emballage plastique, équipé lui aussi de microperforations, mais également d’un filtre anti-UV pour limiter le verdissement des endives à la lumière."
Le plastique aide ainsi considérablement à lutter contre le gaspillage alimentaire. C'est aussi un levier incontournable pour assurer l'hygiène des produits concernés en évitant des contacts tactiles répétés avec le fruit ou le légume.
Quelles sont les solutions de substitutions proposés? Un emballage en carton avec un film plastique (ce qui n'est pas l'idéal en terme d'éco-conception par rapport au plastique mono-matériau) sera prohibé car dès lors que l'emballage ou le conditionnement est composé même partiellement de plastique, c'est un emballage en plastique.
Le coût des pertes à venir pour les fruits et légumes qui seront perdus a-t-il été évalué?
L'absence de prise en compte du plastique biosourcé compostable et du recyclé
Le Décret interdit les conditionnement en tout ou partie de matière plastique: Les bioplastiques (type PLA par exemple) et des emballages composés même à 100% de plastiques recyclés ne pourront pas être utilisés. La volonté du Gouvernement ne coïncide pas avec une démarche éco-responsable.
Et les émissions de gaz à effet de serre et le bilan carbone dans tout cela?
Alors que la lutte contre le réchauffement climatique est devenu un objectif central en Europe et plus largement dans le monde, il n'est absolument pas pris en compte que le plastique est aujourd'hui un économiseur de CO2 comparé à d'autres matériaux.
Pour rappel, dans l'étude "Plastics and Climate in Perspective" de Denkstatt de septembre 2020, il a été relevé que:
"La plupart des plastiques sont un réducteur net d'émissions de GES"
"Par rapport à des matériaux alternatifs, les emballages en plastique actuellement utilisés en Europe et en Amérique du Nord génèrent 116 millions de tonnes de CO2e en moins par an, ce qui équivaut à l'impact de 25 centrales au charbon Centrales électriques de 500 MW."
"Les émissions économisées au cours du cycle de vie total sont souvent plus élevées que les impacts de la production et de la récupération du plastique."
"Le bénéfice respectif de la réduction des pertes alimentaires est estimée à 45 - 60 millions de tonnes de CO2e. Le bénéfice net moyen de 42 millions de tonnes de CO2e est équivalent à l'empreinte carbone de la nutrition pour 14 Millions de personnes en Europe et en Amérique du Nord."
"Découpler les émissions de GES de la croissance du plastique permettra de réduire les émissions de GES au fil du temps malgré la croissance du plastique consommation."
Lors de la COP 26, plus de 100 pays ont accepté de réduire les émissions de ce gaz à effet de serre d’ici à 2030 et plus de 120 pays, représentant environ 90 % des forêts du monde, se sont engagés à stopper et à inverser la déforestation d’ici 2030.
Par ailleurs, l’objectif global de l’UE est, pour la commission Von Der Leyen, de parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050, soit la compensation de 100 % des émissions de CO2 (autant d’émissions captées ou “absorbées” qu’émises).
Où sont les études d'impacts sur tout ce qui précède et qui auraient été prises en compte par le Décret pour vouloir se passer de conditionnement en plastique pour les fruits et légumes?
Ce sont des questions auxquelles le Gouvernement pourra répondre devant le Conseil d'Etat.